Des définitions

La précarité a été notamment définie par le père Joseph Wresinski en 1987, dans son rapport sur « La grande pauvreté » au Conseil Economique et Social. Cette définition reste très actuelle :

“La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante, qu’elle compromet les chances de réassumer des responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible”.

Le rapport Boissarie-Farine sur « l’Exclusion sociale et les exclus » présenté en 1995 au Conseil Economique et Social d’Ile-de-France précisait l’approche de l’exclusion « par le cumul des précarités et la pérennité de ce cumul… L’exclusion s’enracine dans la précarité… »
L’exclusion sociale se caractérise par une mise à l’écart pour cause de précarité. Elle provient surtout du regard de la société et provoque des discriminations dans de nombreux domaines: logement, travail, etc.
Sont considérées comme pauvres les personnes dont les ressources matérielles et sociales sont si faibles qu’elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans la société où elles vivent. Mais il n’y a pas de définition unique et consensuelle de la pauvreté. C’est un phénomène multidimensionnel et complexe qui touche à de nombreux aspects de la vie quotidienne (santé, éducation, logement, emploi…) et sa mesure ne doit pas porter uniquement sur les revenus mais aussi sur le non-accès aux droits fondamentaux.

Identifier par un ensemble d’indicateurs et non pas un seul !

Ainsi l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale (ONPES) a retenu non pas un indicateur mais un ensemble de onze indicateurs pour rendre compte des principales dimensions de la pauvreté :
– des indicateurs de pauvreté monétaire qui déterminent les personnes dont les niveaux de vie sont inférieurs à un montant donné dit seuil de pauvreté (60% du revenu médian, référence européenne, et 50% du revenu médian ancienne référence française).
– un indicateur d’intensité de la pauvreté qui permet d’apprécier l’écart relatif entre le seuil de pauvreté et le revenu médian des personnes vivant en dessous de ce seuil. Si cet écart s’accroît cela signifie que le nombre de personnes éloignées du seuil de pauvreté a augmenté.
– des indicateurs de pauvreté en condition de vie qui mesurent l’absence ou la difficulté d’accès à des biens ou à des consommations d’usage ordinaire,
– des indicateurs de pauvreté mesurés par les minima sociaux qui permettent de connaître le nombre de personnes bénéficiaires d’une aide dont l’objectif est de lutter contre la pauvreté
– des indicateurs permettant de rendre compte de privations en matière d’accès aux droits fondamentaux
– un indicateur d’inégalité de revenus.

Détailler ces indicateurs et en mesurer les limites

Le taux de pauvreté monétaire
Le taux de pauvreté correspond à la proportion d’individus (ou de ménages) dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Le niveau de vie est mesuré par le revenu disponible (revenus + prestations sociales – impôts) divisé par le nombre d’unités de consommation pour tenir compte de la composition du ménage.
Le seuil de pauvreté est calculé à partir de la médiane du revenu par UC. (la médiane est le revenu par UC qui partage en deux la population : la moitié est au-dessus alors que la seconde moitié est en dessous). Classiquement le seuil de pauvreté est calculé en prenant 60% de ce revenu par UC médian.

L’intensité de la pauvreté
L’intensité de la pauvreté (ou « poverty gap ») est un indicateur qui permet d’apprécier la distance entre le niveau de vie de la population pauvre et le seuil de pauvreté. L’Insee mesure cet indicateur comme l’écart relatif entre le niveau de vie médian de la population pauvre et le seuil de pauvreté. Formellement, il est calculé par le rapport entre seuil de pauvreté – niveau de vie médian de la population pauvre) et seuil de pauvreté.
Plus cet indicateur est élevé et plus la pauvreté est dite intense,

La mesure des inégalités
La mesure des inégalités est calculée à partir de la distribution des revenus. Les déciles sont les valeurs qui partagent cette distribution en dix parties égales. Le premier décile correspond aux 10% des revenus les plus bas.
Le rapport entre le dernier décile, celui des revenus les plus hauts et le premier décile donne un indicateur des inégalités.

La pauvreté en conditions de vie
L’indicateur de pauvreté en conditions de vie, publié par l’Insee, mesure la part de ménages qui connaissent au moins huit restrictions sur vingt-sept répertoriées. On compte par exemple les ménages qui ne peuvent pas acheter régulièrement de la viande, ni partir en vacances une semaine par an, ceux qui ont des revenus insuffisants pour équilibrer leur budget ou encore ceux qui ne peuvent pas payer leur loyer.

Les minima sociaux
Les minimas sociaux correspondent à des prestations calculées selon des barèmes destinés à faire accéder les personnes à un revenu minimal que la société reconnaît comme indispensable pour vivre. Ils sont liés à des politiques particulières et ne peuvent donc servir à la mesure du taux de pauvreté. Ils sont fortement dépendant des représentations de la pauvreté.

D’autres approches sont indispensables

Une approche humaine de la pauvreté permet d’accéder à une autre des dimensions de la pauvreté basée sur le ressenti de la personne sur sa situation.
Elle permet de faire émerger ce qui n’est pas mesurable, de mieux prendre en considération la diversité des trajectoires, de réinterpréter certaines données quantitatives.
Le fait de dépendre des autres, de ne pouvoir choisir, le manque de confiance ou encore le regard des autres … (et bien d’autres choses) seront autant d’éléments vécus que les personnes concernées pourront exprimer. Ecouter leur parole et en rendre compte, c’est ce à quoi s’emploient nombre d’associations

La participation et l’expression des personnes concernées sont ainsi indispensables pour connaître et comprendre les situations de pauvreté. Elles sont aussi indispensables pour élaborer les politiques de lutte contre la précarité.

Comment l’observatoire approche-t-il ces questions?

L’observatoire a cherché à développer la connaissance de la pauvreté davantage que le faisait l’observatoire de la campagne logement car les deux dimensions sont assez liées. Il aborde ces questions de façon pragmatique avec ses propres moyens modestes.

D’un point de vue statistique la connaissance sera limitée par la disponibilité des données.
L’INSEE a développé une connaissance locale à partir de l’exploitation de fichiers fiscaux et pourra rendre disponibles des taux de pauvreté à la commune, ainsi que des indicateurs d’inégalités.
En revanche la disponibilité de données sur l’ensemble des minima sociaux ne l’est actuellement qu’au département. Et seules les données concernant le RSA et l’AAH le sont à un niveau géographique fin.
Il a ainsi complété dans la partie « données » la page consacrée à la pauvreté.

L’observatoire est peu outillé pour connaître de façon plus approfondie des phénomènes de pauvreté mais les associations qui y adhérent, au contact quotidien à ces situations pourront lui apporter leur connaissance et expertise.
Ainsi un travail en cours avec le secours populaire français permettra de mieux connaître les populations s’adressant à lui et souvent inconnues des services sociaux et des fichiers administratifs.
L’observatoire souhaiterait aussi que les données et connaissances dont il dispose, soient utiles aux personnes concernées pour agir et entend développer un travail spécifique sur ces points. Ceci implique un travail important pour expliquer rendre les informations et analyses compréhensibles. La participation de personnes en situation de précarité et de mal-logement y contribuerait fortement..