Le baromètre[1] enregistre ce recul malgré les dispositifs d’activité partielle et d’arrêts de travail pour garde d’enfants mis en place pendant le confinement lié à la covid 19. Les actifs sont les plus exposés, y compris les étudiants contraints de travailler.

A ce recul est associé le creusement des inégalités. Si nombre de Français ont mis de l’argent de côté pendant le confinement, d’autres à l’opposé sont sur le point de basculer dans la précarité.

Le baromètre a interrogé les Français sur ce qu’ils considèrent comme le seuil de pauvreté d’une personne seule : pour eux il s’agit de quelqu’un dont le revenu mensuel net est inférieur à 1 228 € (+35 € par rapport à l’an dernier). En comparaison, le SMIC mensualisé net 2020 est d’environ 1 219 €.  Le seuil de pauvreté officiel défini par l’Insee (60 % du revenu médian en 2018) n’est que de 1 063 €, correspondant à plus de 9,3 millions de pauvres en France et inférieur de 165 € mensuel au seuil subjectif de pauvreté.

Globalement, « une part significative de Français rencontre toujours des difficultés importantes dans leurs dépenses quotidiennes, une situation plutôt stable à ce jour. » Mais ces difficultés touchent particulièrement les plus modestes (revenu mensuel net inférieur à 1 200 €). Ainsi, 61 % d’entre eux peinent à consommer des fruits et légumes tous les jours (contre 35 % des foyers modestes dont le revenu mensuel est compris entre 1 200 et 2 000 €), 57% à faire 3 repas sains par jour (contre 32 % pour les foyers modestes) ou 53% à payer loyer et  charges (contre 32 % pour les foyers modestes) et énergie (52 % contre 41 %). Les difficultés concernent aussi la santé : 51 % des plus modestes ont du mal à payer des actes médicaux mal remboursés par la sécurité sociale ; seuls 46 % disposent d’une mutuelle.

Et les signes du basculement vers la précarité sont présents : 40 % des Français mais 64 % des plus modestes et 52 % de foyers modestes se restreignent sur la qualité de leur alimentation pour des raisons financières et 38 % et 24 % respectivement sautent certains repas (14 % pour l’ensemble des Français).

Ces chiffres soulignent le rôle qu’ont pu jouer les distributions d’aide alimentaire auprès des ménages les plus fragiles, d’une part pour les soutenir dans leur alimentation mais également pour leur permettre de continuer à payer leurs dépenses de logement.

Et la peur de basculer soi-même dans la pauvreté (57 %) augmente cette année de + 3 points par rapport à 2019. Ce pourcentage est en constante augmentation depuis 2007 (+12 points).

« 81 % des Français estiment que leurs enfants ont plus de risque de connaître la pauvreté, une proportion en hausse de plus de 2 points après une baisse continue de 4 ans ».

Enfin, « près des deux tiers des Français ont une personne proche dans une situation de pauvreté, une situation qui ne s’améliore pas depuis au moins six ans. »

Un tiers des Français déclare avoir subi une perte de revenus suite à la crise liée à la covid-19. Cette proportion est de 43 % pour les actifs ; 16 % des Français estiment que leur perte de revenu est importante, 33 % des ouvriers et 25 % des plus modestes.

Cette perte de revenus a des conséquences sur la vie quotidienne des ménages et de leurs enfants. Ainsi, 57 % ne sont pas partis en vacances dont un quart pour des raisons financières. Et 44 % des parents estiment que leurs enfants ont pris du retard à l’école dont 15 % (25 % chez les ouvriers) pensent que leur enfant a décroché ou aura beaucoup de mal à rattraper ce retard. Les conditions d’habitat, la présence et la maîtrise de l’équipement informatique, l’abonnement à internet, les différences de diplômes sont des facteurs explicatifs de ces écarts .

Ce que montre aussi le baromètre, c’est l’élan de solidarité qui se manifeste puisque plus des deux tiers des personnes et même près d’un jeune sur cinq, se disent prêts à apporter leur soutien aux personnes en précarité.

A l’heure où se concrétisent les plans de relance et projet de loi de finances pour 2021, les associations restent très vigilantes sur les mesures qu’elles estiment indispensables à mettre en œuvre en faveur des plus modestes et des plus précaires car la crise sociale se poursuit, six mois après le déconfinement. En effet, elles s’inquiètent de voir se poursuivre l’explosion des demandes d’aide alimentaire qu’elles ont connue pendant le confinement, souvent provenant de personnes qu’elles n’avaient jamais vue auparavant ; et des autres conséquences possibles comme les difficultés, voire les impossibilités de payer les dépenses de loyer ou de santé.


[1]Enquête pat téléphone auprès de 1 002 personnes constituant un échantillon de la population française âgée de 16 ans et plus les 4 et 5 septembre 2020   Rapport Secours Populaire Français / IPSOS  Septembre 2020