Sous ce titre, un document publié récemment par la Fondation Abbé Pierre montre comment la fabrique administrative des personnes “sans-papiers” c’est-à-dire le fait de ne pas donner ou de retirer le droit au séjour à une personne crée du mal-logement. Et il propose des leviers pour lutter contre le mal-logement de ces personnes.

Ce document illustre une situation que les associations de solidarité du 92, réunies dans le collectif Citoyens Fraternels 92, rencontrent quotidiennement et en font un combat incessant vis-à-vis de la préfecture de Nanterre.

On peut donner comme exemple ce mail reçu récemment :

« Le dossier de monsieur Lamine D inscrit 3 fois, vient d’être une nouvelle fois perdu informatiquement sans aucune explication !!!  Et surtout sans aucune réponse autre que ”nous avons pris en compte votre demande”…Voilà une personne sans droit ni ressources depuis le 15 juillet 2021.

Je me demande s’il ne serait pas envisageable de faire un communiqué de presse. »

Cette fabrique de « sans-papiers » a déjà été décrite dans un remarquable petit document de la Cimade composé de textes simples et d’illustrations édifiantes. L’intérêt du travail de la FAP est d’approfondir ses impacts pour le logement.

La situation administrative dite irrégulière condamne à survivre dans des conditions de mal-logement

L’accès au logement social n’est pas envisageable pour les personnes sans papiers parce qu’il suppose une régularité et une permanence du séjour. L’accès au parc locatif privé est très sélectif et coûteux et les personnes sans papiers sont exclues des aides au logement, des dispositifs de garantie ou des aides du fonds de solidarité pour le logement (FSL).

La prise en charge institutionnelle dans les dispositifs d’hébergement est la seule réponse pour les personnes « sans-papiers ». Mais cet hébergement inconditionnel peut être remis en cause, notamment par la saturation du dispositif, ou par la jurisprudence qui tend à conditionner de plus en plus le droit à l’hébergement au droit au séjour alors que ces droits sont complètement distincts.

Le plus souvent, l’hébergement consiste en une  mise à l’abri en hôtel, solution précaire, inadaptée aux besoins notamment des familles et qui se fait souvent dans des conditions déplorables. En plus, elle rend très difficile l’accès aux services sociaux et aux droits, à la scolarisation des enfants par exemple, ou engendre des ruptures de droits à l’origine de mal-logement.

Faute de logement, on observe un continuum de solutions de repli :

  • l’hébergement chez des tiers mais qui expose à l’arbitraire des relations interpersonnelles,
  • l’hébergement en foyer de travailleurs migrants avec un risque de vie en « surnuméraire »,
  • le squat : solution de dernier recours et qui requiert souvent l’appui d’actions militantes d’acteurs locaux,
  • les abris de fortune, les bidonvilles et la rue,
  • l’habitat privé dégradé ou indigne comme alternative à la rue, souvent organisé par des marchands de sommeil et qui les fait prospérer !

 

Quels leviers pour lutter contre le mal-logement des personnes « sans-papiers » ?

L’étude montre que la stabilité résidentielle est le point de départ de toute démarche d’intégration et qu’il existe des leviers pour rompre le cercle vicieux de la précarité administrative et sociale en insistant sur le rôle de l’accompagnement social pluridisciplinaire

La Fondation Abbé Pierre observe trois types de réponse :

1 – L’hébergement institutionnel avec un accompagnement social global

Il s’est déployé depuis quelques années sous différentes formes :

  • l’ouverture de places d’HUAS (hébergement d’urgence avec accompagnement social) en substitution de places d’hôtel (projet porté par ADOMA). Fin 2020, on n’en comptait aucune dans notre département,
  • des alternatives à l’hôtel surtout pour les familles avec enfants déboutées du droit d’asile développées par des collectifs d’associations (du type Atelier Logement Solidaire ou Alternativ’hôtel via la location d’appartements avec un agrément pour l’intermédiation locative),
  • la mise en œuvre de plateformes PASH (plateforme d’accompagnement social à l’hôtel) financées par l’Etat et ayant pour mission l’accompagnement social de l’ensemble des ménages hébergés à l’hôtel, avec en priorité ceux en très grande vulnérabilité, identifiés par les SIAO. Les préfets de région et de département ont décidé que le SIAO orienteur, quel qu’il soit, devait travailler avec un opérateur unique.

Dans le 92, la spécificité est que la PASH92 a été confiée à 4 opérateurs[1] spécialisés dans différents domaines de l’accompagnement social et dont l’implantation couvre l’ensemble du département où environ 3 600 personnes vivent dans des hôtels.

Lors du Comité de veille sociale de décembre 2021, la DRIHL indiquait que 817 ménages ( soit 2 584 personnes) étaient accompagnés ou suivis dans le cadre de ce dispositif et que 433 ménages étaient en liste d’attente pour inclusion. Depuis la mise en place de la PASH92, 128 ménages sont sortis du dispositif d’urgence à l’hôtel vers un dispositif adapté à leur situation et autonomie.

2 – Un accès au logement temporaire

Cette solution d’attente permet de consolider les situations avant l’accès au logement social.

On trouve, là encore, quelques possibilités au total peu nombreuses :

  • D’abord l’intermédiation locative avec la formule la plus développée des Solibails. Cette formule exclut les personnes en séjour irrégulier mais l’instruction du 4 juin 2018 prévoit deux exceptions pour les familles monoparentales en attente du renouvellement d’un titre de séjour et les familles dont un des membres du couple au moins est en situation régulière. La porte est donc étroite !
  • Les logements relais déployés dans le cadre des opérations d’aménagement et de résorption de l’habitat indigne.

3 – L’hébergement citoyen, une réponse de la société civile pour compenser les défaillances de l’Etat.

Le rapport cite de nombreuses initiatives locales où des citoyens mobilisent des fonds ou se mobilisent pour loger ou pour loger eux-mêmes des étrangers en situation irrégulière ou non, des réfugiés, ou pour les aider à trouver du travail.

Pour donner un exemple dans notre département, on peut citer Carmeudon, comité d’accueil des réfugiés à Meudon ; Cette association humanitaire indépendante a été créée spontanément par des habitants de Meudon, provenant de différents horizons, CARMEUDON est une association humanitaire indépendante.

Son objet est défini par ses statuts : « L’association a pour objet d’accueillir des réfugiés, quelles que soient leur origine, leur nationalité et leur religion dans le but de leur apporter notamment :

  • aide et secours matériels afin de leur procurer un logement et des ressources pour vivre décemment
  • accompagnement dans les démarches administratives
  • toute aide psychologique ou autre en vue de leur autonomie et de leur insertion dans la société française » (article 2).

 

En conclusion,  trois enjeux à retenir :

1 – Permettre l’accès et le maintien dans un hébergement ou un logement digne à toute personne quel que soit son statut administratif ;

2 – Protéger les mineurs non accompagnés et les jeunes majeurs ;

3 – Faciliter les démarches de régularisation administrative pour permettre l’accès aux droits liés à l’habitat.

[1]Coallia, Inser’toit, La Canopée et l’AFED