Fin 2022, 116 228 ménages étaient demandeurs d’un logement social dans les Hauts-de-Seine dont 36 891 pour mutation. Qui sont ces demandeurs ? La même année, 11 357 logements sociaux ont été attribués dont 3 326 accordés pour des mutations dans le parc social et 8 031 pour des ménages voulant y être y logés. Comment se gère la pénurie des attributions ?

Les données et graphiques présentés par l’OPML92 dans le tableau 3-4-1 montrent que le nombre de demandeurs de logement social s’accroit. Ainsi, entre 2018 et 2022, la hausse a été de l’ordre de 11 % (+11 514 demandeurs).

Le nombre d’attributions, après des années de baisse liée à la faiblesse de la production de logements sociaux et au ralentissement du turn-over dans ce parc, montre depuis peu une  progression entre 2018 et 2002 (+1 301 attributions).

La conséquence est que le délai médian d’attente pour obtenir un logement est très long : il a été de 30,6 mois pour l’ensemble des attributions, un peu moins pour les demandes de mutation, 25,9 mois ;

Les difficultés à obtenir satisfaction présentent de grandes différences selon le lieu recherché, les caractéristiques du demandeur (revenu, taille du ménage.) ou la nature des problèmes de logement rencontrés.

Pour avoir une échelle de comparaison, on peut calculer un indicateur de difficulté, rapport du nombre de demandeurs à celui des attributaires pour une catégorie donnée. Il est globalement de 10,2 pour les Hauts-de-Seine, proche de celui de l’ensemble de l’Ile-de-France (10,4) mais il présente de grandes différences entre les départements : Paris où ce rapport monte à 16,2 et l’Essonne 6,9.

Qui sont les demandeurs de logement social ?

Ce sont surtout des personnes seules : 1 demandeur sur 2.  40 % d’entre eux recherchent des T1, appartements rares dans le parc social, construit à l’origine pour loger surtout des familles. Peu en obtiendront un (6%) et la plupart se verront attribuer un T2.

Les familles monoparentales représentent 20 % des demandeurs (23 158). 2 548 ont été relogées (indicateur de 9). On note une situation un peu plus favorable que la moyenne pour ces familles à condition qu’elles n’aient pas trop d’enfants.

11,5 % des demandeurs ont plus de 60 ans soit 13 334, et près d’un quart ont moins de 30 ans (27 888) dont 10 088 moins de 25 ans. Parmi ces derniers 55 % sont des étudiants ou des apprentis.

20 % ont des revenus classés dans le 1er quartile[1], la part des ménages sous plafond PLAI est de 57 %.

Quelles sont leurs conditions de logement lors de leur demande ?

36 891 ménages habitent déjà un logement social et demandent une mutation : le plus souvent il s’agit de familles qui se sont agrandies et ont besoin d’un appartement plus grand.

Les autres demandeurs, au nombre de 79 337, cherchent à obtenir un logement social.

Parmi ceux-ci, 38 % (30 154) sont locataires du parc privé très souvent dans des conditions difficiles (surpeuplement, loyer trop élevé, habitat indigne..).

28 073 ( 35 %) sont hébergés par la famille ou chez des tiers. Ils n’ont pas de logement en titre et bénéficient d’arrangements de toute nature, évidemment provisoires.

Ceux qui vivent en  situation précaire c’est-à-dire hébergés dans une structure, à l’hôtel, sans abri ou en habitat de fortune etc…  sont environ 7 000. (à titre de comparaison, ce nombre est proche des 8 031 attributions annuelles hors mutation).

578 demandes sont liées à des opérations ANRU ou à une ORCOD-IN.

8 726 demandent un logement adapté au handicap et à la perte d’autonomie.

Le nombre de demandeurs s’est accru de 11 % entre 2018 et 2022 soit 11 514 demandeurs de plus. Ce sont les hébergés dans la famille ou chez des tiers ( + 4 107), les locataires du parc social ( + 3 799) et les locataires du parc privé ( +1 211) qui ont le plus contribué à cette progression.

Comment se gère la pénurie des attributions ?

Le processus d’attributions résulte d’un ensemble de règles explicites et implicites que mettent en œuvre les différents acteurs au premier rang desquels les réservataires des logements[2] (l’Etat, les collectivités locales, Action logement et les bailleurs sociaux) et in fine les CALEOL[3] qui décident des attributions. Le nombre important d’acteurs et les pénuries de logement à proposer rendent le processus complexe voire peu transparent.

Néanmoins des règles de priorité entre demandeurs ont été établies dans différentes lois :

  • Des critères de priorités d’abord dans le cadre du Pdalhpd[4] puis par la loi DALO (2007)
  • Des objectifs de réservation dans la LEC (Loi Egalité et Citoyenneté) pour ces ménages prioritaires (100 % du contingent Etat et 25 % des autres contingents) soit un total théorique de l’ordre de 40 % des attributions.

La loi a imposé en plus que 25 % des attributions hors QPV soient proposées à des ménages du 1er quartile de revenus.

Les prioritaires

Fin 2022, 8 954 ménages en attente d’une attribution étaient reconnus prioritaires au titre du pdalhpd (2 511) ou du Dalo (6 443) soit 7,7 % de l’ensemble des demandeurs de logement social dans le 92.

30 % des attributions leur ont été accordées (3 392).

Pour ces publics prioritaires, l’indicateur de difficulté est de 2,6. Il semble très favorable mais leur délai d’attente médian d’un logement a été de 50,3 mois (soit 4,2 ans) et près de la moitié d’entre eux avaient déposé leur demande depuis plus de 5 ans. Le caractère prioritaire obtenu au bout d’un long processus n’est donc pas un coupe file mais un accélérateur en bout de course.

2 859 avaient des revenus du 1er quartile ; 626 ont obtenu un logement (indicateur de difficulté de 4,6), 119 en QPV et 497 hors QPV

La priorité accordée aux ménages reconnus prioritaires DALO se lit dans les chiffres : alors qu’ils représentent 5,5 % des demandeurs, ils ont été près d’un quart (23,4 %) à se voir attribuer un logement social. Mais au bout du compte le stock de Dalo n’est même pas réduit de moitié. Et si l’indicateur de difficulté est de 2,4 et semble favorable, le délai médian d’attente d’un logement est de 56,3 mois.

Les demandeurs du 1er quartile sont les grands oubliés dans les attributions

Ils sont 23 019 demandeurs relevant du 1er quartile fin 2022 (19,8 % de l’ensemble), dont 2 100 dalo, 400 en hébergement, 2 463 mentionnant un handicap ou une perte d’autonomie.

Seulement 1 305 logements leur ont été attribués et leur indicateur de difficulté est de 17,6, bien supérieur à ceux des prioritaires DALO et PDALHPD et à la moyenne départementale (10,2) : c’est dire que les demandeurs du 1er quartile sont les oubliés des processus d’attribution.

Mais, pour cette population, le fait d’être reconnue prioritaire est déterminant pour obtenir un relogement : en effet, les reconnus prioritaires du 1er quartile (2 859) qui représentent 12 % des demandeurs du 1er quartile ont bénéficié de la moitié des 1 305 attributions. Leur indicateur de difficulté est donc de 4,6 alors que celui des demandeurs du 1er quartile non prioritaires atteint 29,7 !

Enfin, l’application de la règle des attributions hors QPV aurait dû conduire à accorder 2 457 logements à des ménages du 1er quartile parmi les 9 829 attributions totales hors QPV.  Elle offrirait donc un avantage aux demandeurs du 1er quartile dont l’indicateur de difficulté passerait de 17,6 à 9,4 et corrigerait légèrement la propension très nette à accorder plus facilement un logement à ceux qui ont le plus de ressources. Cette propension peut se mesurer en comparant les indicateurs de difficulté pour les différents niveaux de quartile : il est de 19,1 pour le 1er quartile, de 9,9 pour le deuxième, de 8,6 pour le troisième et de 8,4 pour le plus élevé.

La superposition des lois et des réglementations aboutit à une concurrence entre prioritaires, pouvant conduire à une priorisation des demandeurs qui reflète une fois de plus le manque crucial de logements sociaux pour répondre aux demandes qui croissent d’année en année. Par ailleurs, les stratégies d’attributions peuvent varier selon que la volonté est de libérer des places d’hébergement, d’éviter que trop de ménages reconnus prioritaires DALO restent sans logement entraînant des pénalités financières pour l’Etat ou d’éviter de loger trop de ménages avec de faibles ressources. Le système de cotation qui doit être mis en place dans les CIL pour affecter les logements aux demandeurs devrait permettre de rendre le processus d’attributions plus simple et plus transparent.

 

 

[1] Le 1er quartile de revenu des demandeurs de logement social est de 10 674 € en 2022

[2] L’Etat – publics prioritaires = 25 % des logements ou agents =5 % -, Collectivité locale = 20 % , Action Logement jusqu’à 50 % des logements dans certaines opérations. Les bailleurs disposent aussi de contingents propres.

[3]  Commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements

[4] PDALHPD: Plan Départemental d’Action pour le logement et l’hébergement des personnes en difficulté