Le CRHH[1] a dressé le bilan SRU sur la septième période triennale 2020-2022.  Globalement en Ile-de-France, sur les 229 communes soumises à  cette obligation, 123 n’ont pas atteint leur objectif triennal fixé en début de période, soit 54 % des communes contre 38 % précédemment.

Rappelons que les communes qui n’avaient pas encore atteint 25 % de logements sociaux en 2020 se sont vu notifier deux objectifs :

  • un objectif quantitatif qui pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2022 correspondait à 50 % du nombre de logements sociaux manquants pour atteindre le taux de 25 % de logements sociaux,
  • pour la troisième fois, un objectif « qualitatif » de répartition des logements produits entre les différentes catégories de logement : au moins 30 % de logements très sociaux « PLAI » et pas plus de 30 % (ou 20 % selon les cas) de logements peu sociaux « PLS ».

Pour l’ensemble de la France, les années 2020-2022 ont vu un fort ralentissement de la production de logements sociaux notamment dans les communes soumises à la loi SRU. Ainsi les objectifs agrégés de production HLM étaient de 278 177 logements ; seuls 186 124 ont été produits soit 40 000 de moins qu’en 2017-2019.

Le recul est important puisque, sur 1 031 communes soumises à la loi SRU, 659 n’ont pas atteint leurs objectifs soit 64 % alors que cette proportion était de 47 % trois ans plus tôt.

En Ile-de-France, parmi les 123 communes qui n’ont pas atteint leur objectif, 75 ne l’ont pas atteint sur le volet quantitatif seul, 11 sur le volet qualitatif seul et 37 sur les deux volets. Après la phase de procédure contradictoire déclenchée par les préfets et le recalage des objectifs sur la base de la nouvelle référence « 3DS[2] », ce sont 95 communes qui n’auraient pas rempli leurs objectifs quantitatifs et/ou qualitatifs. 67 communes (dont 9 dans le 92) ont été proposées à la carence dont 37 l’étaient déjà au titre du bilan triennal précédent. 6 communes font l’objet d’une proposition de reprise des autorisations d’urbanisme dont 1 dans le 92.

Dans les Hauts-de Seine, 19 communes étaient déficitaires en 2020, elles sont encore 17 en 2023. Les 2 communes qui ont passé le cap, Issy-les Moulineaux et Rueil-Malmaison, avait un taux SRU déjà supérieur à 24 %.

Parmi les 17 communes déficitaires, 5 ont rempli leurs objectifs quantitatifs et qualitatifs, Antony, Chatillon, Garches, Marnes-la-Coquette, Vanves et une n’a rempli que ses objectifs quantitatifs, Bourg-la -Reine.

Le préfet a prononcé la carence pour 9 communes :

  • les 7 communes déjà carencées au titre du bilan 2017-2019 le sont à nouveau (Bois-Colombes, Boulogne-Billancourt, Levallois-Perret, Montrouge, Neuilly-sur-Seine, Saint-Cloud et Ville d’Avray),
  • et deux communes nouvelles : La Garenne-Colombes et Vaucresson.

Asnières et Courbevoie qui n’ont rempli aucun de leurs objectifs échappent à la carence. Ceci s’explique par les instructions données par le Ministre demandant, dans le décompte des logements sociaux, de ne pas se limiter aux logements inscrits à l’inventaire SRU mais de prendre également en compte « le nombre de logements agréés pendant le triennal, quand bien même ces logements ne seraient ni conventionnés ni mis en location. Concrètement un logement peut être compté dans le bilan triennal, quand bien même il n’aurait pas encore été livré ».

Dans les Hauts-de-Seine, les communes déficitaires devaient accroitre leur parc de logements sociaux de 11 975 sur cette période triennale. Seulement 3 869 ont été produits. Les seules communes carencées ont présenté un déficit de 8 332 logements ce qui correspond à une année d’attributions de logements sociaux (hors mutations). Deux communes sont responsables des 2/3 : Neuilly et Boulogne-Billancourt.

Le montant total des prélèvements opérés pour l’ensemble des 17 communes déficitaires a été de 20 766 901 € dont 85 % pour les communes carencées.

Pour les Hauts-de-Seine, la sanction de la carence est un phénomène récent. Jusqu’en 2017, 2 ou 3 arrêtés de carence au terme des différentes périodes triennales ont été prononcés entre 2002 et 2017. Neuilly a été systématiquement carencé, Vaucresson et Ville d’Avray de temps en temps. Pendant longtemps, les gouvernements successifs ont été particulièrement laxistes d’où des situations de retard pris par certaines communes.  Le changement de doctrine a été opéré au milieu des années 2010.  Pour les périodes 2014-2016 et 2017-2019 sept communes ont été carencées.

Le palmarès de la FAP[3] pointe Boulogne comme la plus mauvaise élève des 12 villes de France de plus de 100 000 habitants qui n’a respecté ses objectifs ni quantitatifs (13 % seulement) ni qualitatifs malgré son taux de logements sociaux de 15 % seulement. Neuilly-sur-Seine a atteint 1 % de l’objectif (31 logements produits sur 2 840) malgré un taux de logements sociaux qui reste à 7 %. Vaucresson, présente même un taux d’atteinte des objectifs négatif (- 12 %) en raison de l’annulation d’une importante opération qui avait déjà été comptabilisée dans le précédent bilan triennal.

Pour l’avenir, l’inquietude s’installe après l’annonce faite par Le Premier Ministre, Gabriel Attal,  lors du prononcé de sa déclaration de politique générale, d’engager une “réflexion” pour “ajouter pour une part les logements intermédiaires, accessibles à la classe moyenne, dans le calcul des 25 %”[4] de la loi SRU. En effet, pour une grande majorité des demandeurs des classes moyennes, les loyers de ce type de logement sont trop élevés et « seuls 3 % des ménages en attente d’un logement social y sont éligibles » estime l’USH.

Une autre annonce faite par Le Premier ministre a fait réagir la FAP : celle de vouloir “donner aux maires la main pour la première attribution dans les nouveaux logements sociaux construits sur leur commune”. Si l’Association des maires de France s’est félicitée de cette “reconnaissance de la compétence des maires en matière d’attribution de logements locatifs sociaux”, la FAP a manifesté son inquiétude car, selon son représentant Manuel Domergue, “les maires attribuent beaucoup moins de HLM aux ménages prioritaires (21 %) que l’État (89 %)”. Cela reviendrait aussi à priver les autres réservataires que sont l’État et Action logement de leurs droits de réservation.

[1]Comité Régional de l’Habitat et de l’Hébergement

[2]La Loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration, simplification) du 21 février 2022 fait suite aux 3 lois précédentes (ALUR, LEC, ELAN) pour la réforme de la gestion et de la politique d’attribution de la demande locative sociale

[3]Fondation Abbé Pierre « PALMARÈS DE LA LOI SRU 2020-2022 DES CENTAINES DE COMMUNES HORS-LA-LOI » Décembre 2023

[4] Gabriel Attal : une France à “débureaucratiser” et “déverrouiller” 30 janvier 2024 Localtis